Un peu d'histoire autour de l'écriture cursive

La façon dont nous posons nos mots sur le papier a été modifiée au cours de l'histoire par nos besoins culturels, commerciaux et éducatifs. L'écriture cursive n'est pas si vieille que cela. C'est en 1850 qu'elle a été introduite pour la première fois dans les écoles des États-Unis. Il s'agissait d'une technique basée sur les "mouvements fluides observés dans la nature", selon les textes du Musée national d'histoire de l'époque.

Pour rappel, l'écriture cursive est une forme de plume qui connecte les lettres d'un mot ensemble par des traits de liaison, favorisant une écriture plus rapide et fluide. Elle est souvent enseignée à l'école primaire et est caractérisée par des boucles et des courbes élégantes, donnant une esthétique particulière à l'écriture manuscrite. Souvent, les enfants appelle cela l'écriture "en attaché".

Aujourd'hui, un peu plus d'un siècle après sa popularisation, l'écriture cursive tombe petit à petit dans l'oubli, la faute à l'avènement de la dactylographie et des produits tech avec lesquels le monde interragit de plus en plus. Alors que certaines personnes considère cette forme d'écriture comme mourante, la cursive fait son retour en 2024... et il y a une explication claire à cela. Plusieurs, même.

Du contexte : la disparition puis le grand retour de l'écriture manuscrite aux États-Unis

En Amérique du Nord, de nombreux États ont abandonné l'enseignement de la cursive avec l'adoption du Common Core en 2010. Le Common Core est un ensemble de normes communes en anglais et en mathématiques visant à assurer une certaine cohésion nationale. Bien qu'elles ne mentionnent pas du tout la cursive, ces nouvelles normes attendent des élèves qu'ils fassent preuve d'une "maîtrise suffisante des compétences en matière de saisie au clavier". En conséquence, l'enseignement de l'écriture à la main a décliné et la cursive a été reléguée au second plan, derrière les claviers.

Depuis peu, de nombreux États qui avaient abandonné l'écriture manuscrite tentent de la remettre au goût du jour. La campagne pour l'écriture cursive a débuté en 2013 lorsque des associations ont commencé à envoyer des lettres aux responsables politiques des États pour les encourager à adopter des lois allant dans leur direction. Aujourd'hui, 21 États sur 50 imposent déjà une forme d'enseignement de "l'écriture attachée", selon mycursive.com. Un exemple notable est celui de la Californie, où une nouvelle loi imposant son enseignement dans les écoles primaires est en place depuis quelques mois. Le New Hampshire et le Michigan lui ont emboîté le pas en proposant des projets de loi similaires.

Pourquoi maintenir la cursive dans un monde où les PC et les smartphones dominent ?

De prime abord, il peut sembler étrange que cette nouvelle fièvre cursive survienne à une époque où les progrès technologiques, dont les PC et les smartphones sont le fer de lance, ont rendu la communication textuelle tapuscrite bien plus rapide, efficace et pertinente que l'écriture manuscrite "à l'ancienne". Pourquoi un tel retour en arrière ? Penchons-nous sur ce qu'en disent les politiques qui militent pour un retour de la cursive.

Sharon Quirk-Silva, députée de Californie et ancienne enseignante pendant 30 ans, affirme que l'apprentissage de la cursive permet aux élèves de lire des documents historiques, tels que la Constitution des États-Unis et les lettres des membres de leur famille. Le sénateur de l'Indiana Jean Leising, qui défend sans succès depuis 12 ans un projet de loi visant à introduire la cursive dans les salles de classe, abonde dans le même sens : "Quand j'ai commencé, je me suis dit que si les enfants ne pouvaient pas apprendre la cursive, ils n'auraient même pas de signature". Lors de ses déclarations à ce sujet, le sénateur a cité le cas d'un évaluateur foncier qui a dû licencier un jeune homme parce qu'il ne pouvait pas aller au tribunal et lire de vieux documents. Il donne aussi l'exemple d'une famille dont le fils de 15 ans ne pouvait pas signer son nom au comptoir d'un aéroport.

Ne nous voilons pas la face, ces affirmations sont un brin abusives. Dans le fond, les politiques et assossiations qui militent activement pour le maintient de l'écriture manuelle le font surtout par idéologie. Posons-nous alors la seule question qui devrait compter : qu'en dit la science ?

Lorsqu'on s'y penche, on se rend compte qu'il existe un solide corpus de recherches universitaires vantant les mérites de l'apprentissage de la cursive. Le regretté William Klemm, professeur de neurosciences à l'université A&M du Texas, est largement cité par les défenseurs de la cursive pour ses recherches publiées dans Psychology Today, qui suggèrent que l'apprentissage de la cursive "est un outil important pour le développement cognitif". Selon lui, la cursive permet d'entraîner le cerveau à apprendre la "spécialisation fonctionnelle", c'est-à-dire la capacité à atteindre une efficacité optimale". D'autres recherches concluent également que l'apprentissage de l'écriture cursive apporte une série d'autres avantages, allant du développement de la motricité fine à la stimulation et à la création de synergies entre les différents hémisphères du cerveau impliqués dans la pensée, le langage et la mémoire de travail. Dans ce sens, une étude de 2019 publiée dans PLOS One conclut qu'"il y a de plus en plus de preuves que la maîtrise de l'écriture manuscrite joue un rôle important dans les résultats scolaires".

Trouver de nouvelles façons d'apprendre l'écriture cursive à nos têtes blondes

Malgré tous ses avantages, l'écriture manuscrite est loin d'être facile à mettre en œuvre dans les salles de classe. Une enquête menée dans les années 2000 auprès d'enseignants du primaire a souligné ce problème de façon claire. Elle révèle que moins de la moitié des enseignants du primaire interrogés pensent que l'écriture manuscrite est suffisamment rapide pour répondre aux exigences intenses du programme scolaire. En outre, très peu d'entre eux, seulement 12 %, estiment avoir été correctement formés pour enseigner cette compétence. Cela implique que les enseignants pourraient avoir besoin de plus de soutien et de formation pour intégrer l'écriture manuscrite dans leur enseignement de manière efficace.

Certaines mesures ont déjà été prises dans ce sens. Ainsi, dans la plupart des programmes scolaires récents, il est question d'éliminer complètement l'inclinaison caractéristique de la cursive et d'encourager une formation verticale des lettres, moins intimidante à apprendre. Suzanne Asherson, autrice du programme "Handwriting Without Tears", explique que le style incliné original a été développé à l'époque des stylos, pour éviter les éclaboussures d'encre. "Les enfants utilisent-ils des stylos ? Non."

Enfin, se pose aujourd'hui le nouveau défi de l'IA. Même les professionnels qui considèrent cette technique ancestrale comme inutile admettent une chose : l'écriture à la main pourrait contribuer à la lutte contre la fraude académique boostée par l'arrivée massive de l'IA dans la vie des étudiants. Tout le monde le sait : des applications comme ChatGPT peuvent faciliter l'accès au plagiat. Alors, à moins de changer radicalement la façon dont fonctionne l'école, la capacité à écrire couramment sur du papier ne sera jamais obsolète. Et puis, peut-être que les PC et les smartphones ne seront pas là pour toujours.